Tenir son bout

De nos jours, tout le monde a droit de parole. Les réseaux sociaux, le personnel de la santé, des pseudo spécialistes, de vrais spécialistes, notre famille, nos amis. Des gens de tous milieux, de toute génération: tous ont accès à une tribune qui saura les écouter et être le vecteur de leurs opinions et idéologies, qu’elles soient bonnes ou pas, adaptées ou non à notre réalité. Lorsqu’on parle de parentalité c’est encore plus vrai avec les mommy wars, les blogues, nos éducateurs et professeurs, les magazines en ligne, les pages d’entreprises destinées aux mamans et aux enfants, et même des pages pro de spécialistes (et de non-spécialistes).

Suivre son instinct, toujours possible?

Se fier à soi-même devient de plus en plus un défi moderne: suivre ses instincts requiert de plus en plus de vigilance par rapport à ce que notre cerveau traite et choisit d’absorber ou non. Trier les informations, garder ce qui est en accord avec nos valeurs, rejeter le reste, analyser une information qu’une personne de confiance nous donne.

Se forger en tant que parent lorsqu’on choisit de ne pas suivre le moule et de rester hors de ce moule si ça nous convient, c’est pas toujours facile. Plus notre enfant grandit, plus d’étapes sont à franchir, plus on doit chercher pour trouver un repère qui nous convient, et force est d’admettre que ça ne plaira pas nécessairement à tout le monde, ce même tout le monde qui a le droit aussi d’y mettre son grain de sel. Il nous appartient alors de trier les interventions et de tenir mordicus à notre ligne de conduite, et face aux professionnels de la santé et de l’éducation, c’est parfois plus ardu parce que ces gens sont archi bien intentionnés et ne sont peut-être pas habitués à faire face à une approche aussi divergente de la leur.

rester ouvert, et surtout, rester calme

… Ça c’est encore moins évident si vous voulez mon avis. Dès qu’on empiète ou qu’on choque trop mes valeurs primaires, je ressemble de plus en plus à une p’tite casserole de lait qu’on oublie sur le rond d’un poêle à induction (c’est surprenant comment ça bout vite à induction!). Je deviens super sentimentale, à fleur de peau, le motton, les yeux pleins d’eau, la voix qui shake, la patate qui pompe, je parle aigu avec trémolo… Bref, j’ai l’air ridicule, alors imaginez ce qui sort de ma bouche: tout aussi ridicule et souvent incongru.

Rester calme s’apprend: j’apprends à tasser l’information qui me choque dans une petite boîte “à traiter plus tard” et je lance une généralité genre “je comprends. bonne journée!”. Parfois je suis capable d’argumenter sans avoir l’air d’une épileptique en peine d’amour, mais ça fait pas longtemps et je savoure chaque fois que ça arrive en cumulant les petites victoires.

Tenir mordicus à sa ligne ne veut pas dire être fermé aux autres idées pour autant, tant qu’elles ont à mes yeux une certaine logique. Si l’idée est à l’extrême opposé de mes valeurs et croyances, je crois qu’il est normal qu’elle me soit totalement intraitable et illogique. Il suffit de se laisser une porte pour se creuser un tunnel qui aboutit à mi-chemin entre les deux, ou de se placer complètement de l’autre côté et de se dire “si j’étais là et que je ne le voudrais pas, je chercherais des alternatives pas trop loin de mon idéologie”. C’est là qu’on trouve les compromis.

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Mini Puce qui teste son cerveau néo-mammalien en s’informant sur la faune du Saguenay (j’avoue, j’voulais plugger une photo de mes vacances. shame on me)

cohabitation des valeurs et du respect

Dans la parentalité c’est pas tant évident il faut se l’avouer: tout est souvent soit noir, soit blanc, et les parents se sentent souvent attaqués quand on émet une idée trop loin de la leur parce qu’après tout, il s’agit de nos enfants: ceux qu’on engendre, qu’on aime, qu’on éduque et qu’on tente d’amener à ouvrir leurs propres ailes pour ensuite s’envoler à leur tour. Toujours est-il que l’instinct de protection de notre progéniture (et de soi) est très fort, et de ne serait-ce que considérer l’autre côté de la médaille peut consister en une attaque.

Dans cette ère où l’information est accessible à tous et de manière ridiculement facile, je crois qu’il faut sortir du carcan sociétal deux secondes et s’informer pour valider, rechercher, explorer. De ne pas le faire relève, à mon humble avis, de la paresse intellectuelle.

Je crois très fort en la théorie du cerveau triunique qui veut que notre cerveau soit composé de trois couches/parties qui se sont ajoutées lors de notre évolution: le cerveau reptilien qui, au départ, était celui du reptile et contrôlerait donc les trucs basiques genre respirer, le cerveau paléo-mammalien qui était celui du mammifère et ajouterait les émotions et réactions d’alarme, et ensuite le cerveau néo-mammalien qui permettrait le raisonnement logique, le langage et l’anticipation des actes (merci, Margot Sunderland!).

De choisir de ne pas s’informer et de se forger sa propre opinion relève donc, comme je le disais, selon moi, de paresse intellectuelle: c’est comme si on refusait d’utiliser notre cerveau néo-mammalien et qu’on jammait au paléo-mammalien. Dans ma tête, c’est de même que ça se passe:

LA TERRE EST RONDE.
Reptilien: RESPIRATION.
Paléo-mammalien: PEUR, omg cette opinion diverge ben trop de la mienne, c’est trop différent, c’est de la marde, ça se peut pas.
Néo-mammalien: RAISONNEMENT, attends un peu toi-là-qui-es-en-train-d’ébranler-les piliers-de-mes-croyances. Explique-moi les tenants et aboutissants de ton idée, apporte-moi des livres que je peux lire que je me fasse mon idée dans ce capharnaüm.

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L’art de s’assumer

Pendant pas mal de temps, j’ai été la fille qui s’assumait pas, mais alors pas pentoute. N’importe qui pouvait me faire changer d’avis sur à peu près n’importe quoi: mon opinion était la moins forte des deux, peu importe qui était le 2e. J’étais incapable d’argumenter, et j’ai encore un peu de misère je vous avoue: ça fait pas partie de mes talents, c’est un art que je ne maîtrise pas du tout, du moins, pas encore.

Cependant, depuis quelques années, la vie a commencé à mettre sur mon chemin des gens avec des convictions et des valeurs qui portent leurs paroles avec tant d’assurance que je me suis mise à les envier, et à vouloir apprendre d’eux. Mon amoureux fait partie de ces gens: c’est son travail à chaque jour de se battre pour les autres, d’argumenter, de convaincre, de défendre des convictions et des valeurs qui bien souvent le dépassent. Je l’admire toujours, après 8 ans de vie commune.

Depuis, j’ai beaucoup appris. J’ai appris à penser par moi-même, arrêter de gober tout ce qu’on me disait. Lasse de croire du premier coup. J’ai développé ma curiosité intellectuelle, et je me suis demandé si tout ce qu’on me disait était vrai. Est-ce que ça se peut que ce ne soit pas vrai? Qu’un professionnel puisse ne pas avoir raison, qu’il puisse être mal informé, malgré tous ses diplômes, malgré sa prestance qui m’écrase? J’ai appris, à force de me former, à force de rechercher, à force de questionner, que oui, ça se peut.

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Bon. Certain(e)s auront deviné que je fais un peu référence à l’allaitement et aux formations désuètes de plusieurs professionnels, ce que je trouve très malheureux compte tenu de leur importance dans la vie des nouvelles mamans. Mais y’a pas que ça. Le doute DOIT faire partie de nos vies, j’ai appris qu’il était sain, vital: c’est ce qui nous pousse à être curieux. Si l’on ne doute pas, on n’est qu’un pâle reflet de ces opinions qu’on nous enfonce dans la gorge. On n’a rien à dire, on raconte. On n’argumente pas, on répète.

Alors, j’ai commencé à bâtir mes propres connaissances, à chercher d’autres avis, à explorer tous les envers de la médaille: le devant, le derrière, le contour, les gravures, l’usure. Mon cerveau est devenu une éponge qui aime beaucoup trop l’eau pour s’en passer, malgré la fatigue qu’exige ma profession de Super Maman Puce, malgré les discussions houleuses, malgré les râteaux amicaux. Et j’ai assumé ce que j’apprenais, j’ai assumé mes valeurs, j’ai assumé mes croyances, j’ai assumé mes conclusions.

J’ai assumé.

Lorsqu’on se sent visé, c’est que le chapeau nous fait, ne devrions-nous pas toujours nous questionner? Pourquoi me fait-il, ce chapeau? Le chapeau qu’elle porte, il est joli aussi, je devrais peut-être l’essayer?

C’est ce que je déplore beaucoup de la société d’aujourd’hui: le manque de guts de sortir de sa zone de confort, d’essayer les opinions des autres, la peur de l’inconnu, de ce qui sort du moule. Au lieu d’essayer de comprendre, on approche doucement l’opinion tout en tenant un marteau derrière son dos. Mais pourquoi toute cette véhémence envers ce qui nous dépasse, ce que l’on ne connait pas encore?

Bref. Mes opinions, je les assume, c’est mon chapeau. C’est moi qui me le suis fait, je l’ai pas copié d’un autre modèle, et j’en suis fière: il est assez original, un peu, très laid pour certains, un peu trop coloré pour d’autres. Mais je l’aime, il me fait bien, et je le porte avec fierté.

Et le vôtre?

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Maman Puce


 PETITS GUIDES POUR ME FAIRE PÉTER UN PLOMB: