Être sobre à 29 ans

Je suis une maman de deux adorables enfants. Je suis mariée à un homme exceptionnel avec qui je suis en couple depuis presque 10 ans. J’aurai bientôt 30 ans, j’ai une belle maison dans laquelle je vis et je travaille (parce qu’être maman à la maison, c’est un travail tsé!).

Et à 29 ans, j’ai fait le choix d’être sobre, dans une société où consommer de l’alcool est normal, voire même encouragé. Pourquoi? C’est la réflexion que je tenterai de vous expliquer aujourd’hui, chers suiveux, dans un article qui détonne de par son sujet de ce que vous avez l’habitude de voir sur mon blog. Parce que je pense que c’est une bonne chose d’en parler ouvertement.

Ma mère, l’alcool et moi

Pendant mes deux grossesses, je vous avouerai que l’alcool ne m’a pas vraiment manqué. Je suis de nature assez enjouée et fofolle, j’ai donc pas vraiment besoin de boire pour être sur le party. Mais surtout, lorsque j’étais enceinte, je me suis rendu compte que je me sentais incroyablement légère, légère de ne pas avoir à boire, de ne pas avoir à dire non. Parce que dans ma vie, je pense avoir très rarement dit non à l’alcool, sans nécessairement avoir de difficulté à me contrôler.

Le fait est que, lorsqu’elle était en vie, ma mère avait des problèmes d’alcool. J’avais donc pas mal de péripéties (disons ça comme ça) avec elle, et donc avec l’alcool. Les soirées seules, les retours tardifs (voire matinaux), l’odeur de “fond de tonne”, les lendemains de veille: je l’ai vécu des deux côtés, en le voyant chez elle, puis en l’expérimentant moi-même plus tard. À fond la caisse, même, mais ça n’a duré que quelques années. Je me suis toujours dit que j’avais le parfait contre exemple pour ne pas que ça m’arrive.

L’alcool a été tellement présent dans mon enfance, dans la personne qu’était ma mère, que j’ai fini par rattacher l’odeur de “fond de tonne” au réconfort, à ma mère. Ça me rappelait et me rappelle toujours elle, toute excitée, dévergondée, mais aussi douce. C’était une odeur omniprésente. Un peu triste, hein?

L’évolution de ma relation amour-haine avec l’alcool

Ensuite, avec le stress de la vie, ses étapes, ses défis, ses routines… Je me suis rendu compte que l’alcool ne m’était plus utile. Je ne buvais plus pour les bonnes raisons. Je buvais pour relaxer, pour gérer mon stress, pour être plus sociable (ce qui n’est pas vraiment dans ma nature). Mais je sentais jusqu’à tout récemment, que l’alcool ne m’apportait plus rien de positif. L’alcool me rendait de plus en plus émotive, triste, impulsive, colérique. Puis, je suis (re)tombée enceinte de Bébé Puce.

Après avoir accouché, j’ai retenté l’expérience pour constater que ça ne m’était pas passé. Puis, j’ai fait une petite introspection.

Chaque fois que je buvais, je me suis rendu compte que j’avais un peu honte envers mes enfants, qu’ils sentent mon haleine de bière ou de vin, sans savoir pourquoi. Et j’ai surtout cliqué: je n’avais pas envie qu’ils rattachent cette odeur à moi comme je le rattache à ma mère. Je n’avais pas envie de prendre l’alcool comme une béquille pour me calmer le soir, pour m’évader, pour décanter de ma journée. Je n’avais tout simplement pas envie de ça dans ma vie.

L’annonce aux proches… Que vont-ils penser?

Lorsque ma décision a été prise, j’ai averti mes proches. J’avais peur qu’on pense que je fais ça pour attirer l’attention, comme je suis de nature un peu marginale, alors que ce n’est pas du tout le cas (dans la vie, si y’a un truc que je veux pas, c’est attirer l’attention, en fait…) Une fois que ç’eut été fait, pas beaucoup de réactions au final, jusqu’à ce que je commence à refuser des consommations: pas de réaction explicite, mais des silences, de la gêne, j’oserais dire un petit malaise. Pourquoi?

Je me demande encore pourquoi consommer de l’alcool est tout à fait normal, mais ne pas en consommer ne le serait pas. Je ne comprends pas pourquoi certains pensent, je crois, que je veux me marginaliser en choisissant de ne plus consommer d’alcool.

Je le fais pour moi, pour mon corps, pour mes enfants. Pour ma conscience. Pour montrer à mes enfants qu’on a le droit de dire non, et de ne pas faire comme tout le monde. De prendre soin de soi quand on en ressent le besoin au lieu de boire pour “être poli” et ne pas soulever de questions. Pour me prouver que je n’ai pas besoin d’alcool pour être plus sociable ou avoir du fun. De ne plus avoir de lendemain de veille et d’être en forme et lucide pour profiter des moments avec mes enfants. De ne plus avoir peur de dire des choses que j’oublierai avoir dites, que je n’aurais pas voulu dire.

Pour ne pas faire subir à mes enfants ce que ma mère m’a fait subir: son absence, ses écarts, ses excès, ses folies, son ivresse. De ne pas leur faire subir mes problèmes en me servant de l’alcool comme d’un outil pour y palier. De leur montrer qu’il y a d’autres façons de s’amuser, de se relaxer, de connecter, de socialiser.

Pour leur montrer qu’on peut très bien prendre une p’tite tisane (David’s Tea, je t’aime) le soir pour relaxer. Ça se fait, et très bien. Et mon corps m’en remercie.

C’est mon choix personnel, bien à moi: je n’ai jamais essayé de convaincre Papa Puce de s’y lancer aussi. Je continue de respecter et d’aimer tous ceux qui consomment de l’alcool, parce qu’on s’entend, tout le monde en consomme, la société est ainsi faite. Je l’ai fait longtemps, j’en ai tiré du positif, des souvenirs. Maintenant, je n’en ai plus besoin. 🙂

Noël qui approche… Un verre ou pas?

Eille j’en ai aucune idée. Je verrai comment je le sens, en fait. Mais depuis, j’ai tenté de reprendre un verre y’a quelques jours avec ma belle-famille, et je vous avoue que mon palais a fait “eeeeeew”, même face à un délicieux poiré québécois et du vin ramené d’Espagne, et j’avais toujours ce même malaise face à mes enfants en étant feeling. Je pense que c’est bel et bien fini, l’alcool et moi… Du moins, pour l’instant.

Ma petite peur, c’est face aux gens qui ne savent pas que je ne bois plus et que je ne côtoie qu’aux réunions de famille des Fêtes. J’ai juste pas envie de repasser par toute l’explication et mon cheminement à chaque verre que je refuserai, mais ce sera fait pour l’an prochain.

L’important, c’est d’être bien dans ma peau, et bien avec ma décision. Au yâble le reste!

Réflexion de société?

Je me demande vraiment pourquoi moi ainsi que plusieurs (voire tous) des témoignages que j’ai lus de gens qui ont pris la même décision se sentent si mal et ont peur d’être jugés, alors que l’alcool ne devrait pas, selon moi, être une norme sociale vu les dommages que ça fait à notre petit corps à long terme. Je ne dis pas que tout le monde devrait être sobre, mais plus que je trouve ça triste un peu qu’on associe l’alcool à bon temps entre amis, et qu’un party ne soit pas un vrai party sans alcool, que la société reconnaisse que l’alcool est un agent de socialisation, qu’il soit omniprésent lorsqu’on parle de se relaxer (un verre de vin dans le bain, un verre de vin quand les enfants sont couchés, un verre de vin en cuisinant, une p’tite frette en cuisinant au BBQ…), qu’on encourage sa consommation parce que c’est tellement ancré dans nos habitudes, dans nos traditions, dans nos routines.

Selon moi, il serait plus logique que ce soit la norme d’en consommer et exceptionnel d’être sobre, alors que selon moi, le contraire devrait prévaloir (qu’on stigmatise moins ceux qui refusent un verre versus l’omniprésence de l’alcool dans nos vies). Mais ça, c’est une autre histoire, hein?

Maman sans mamans

J’imagine que plusieurs me comprendront si je dis que lorsqu’on devient maman, on a envie et/ou besoin de pouvoir prendre le téléphone à tout moment pour appeler sa mère, sa soeur… Une maman de notre sang qui saura nous conseiller, nous écouter pleurer et répondre à nos mille questions. Tant lorsqu’on accouche que lorsque vient le temps d’élever l’enfant, de savoir comment on nous a élevé, comment c’était avec nous… Bref, de placer ses repères, de comparer, je sais pas.

Références: silence radio

Ma mère a décidé de partir lorsque j’avais 21 ans: je rencontrais mon chum, et ma mère s’enlevait la vie. Longtemps je lui en ai voulu puisqu’elle ne connaîtrait pas mon chum qui deviendrait mon mari, elle ne saurait jamais ce que j’aurai finalement fait de ma vie, n’aura jamais vu ma maison, n’aura jamais été grand-maman, ne m’aura jamais vue enceinte.

Mais ce dont je ne me doutais pas, c’est qu’elle me manquerait cruellement lorsque tous les questionnements de maman m’envahiraient. Avant de donner la vie, jamais l’idée ne m’était venue de discuter avec ma mère de plusieurs détails de mon enfance: ai-je été allaitée? est-ce que je pleurais beaucoup? comment me réconfortait-elle? quand ai-je marché? Et mon papa étant un papa, je n’ai eu que des à-peu-près un peu flous pour réponse (c’est pas un reproche, c’est juste la vie là).

J’avais aussi ma soeur heureusement, mais la vie me l’a aussi prise alors que Mini Puce n’avait pas encore deux ans. J’étais donc, peut-on dire, pas mal laissée à moi-même dans cette grande aventure. Ces femmes m’ont manqué et me manquent encore cruellement lorsque les étapes et premières fois se succèdent. Atrocement, même.

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Se forcer à suivre son instinct

Cependant, aujourd’hui, alors que Mini Puce a deux ans et demi, j’essaie de voir la chose plus positivement lorsque faire se peut, compte tenu des informations que j’ai pu cumuler. Je n’ai pas été allaitée, j’ai fait face à l’adultisme, je n’ai pas été portée, ni cododotée… J’ai toujours été de nature plutôt influençable et grégaire, si tout ça n’était pas arrivé, comment ou quand aurais-je su ce que moi je voulais en tant que maman, quel genre de parentalité je souhaitais adopter? Honnêtement, je ne sais pas. Peut-être trop tard, peut-être jamais?

Ce que ça m’a appris, c’est que l’instinct est la plus belle chose que l’humanité nous a léguée. Je n’en veux pas à mes parents, je crois sincèrement que tout le monde fait de son mieux avec ce qu’on a. Cependant, ce qu’on a aujourd’hui, c’est le pouvoir de s’informer aussi facilement que celui de se mettre les doigts dans le nez, et le choix nous appartient. Si j’avais été influencée, aurais-je fait le bon choix? Aurais-je fait MON choix? Aurais-je choisi mon instinct au lieu de suivre la vague? Aurais-je eu le courage de briser la vague et d’aller à contre-courant des croyances populaires? Aurais-je inhibé ou tut cette petite voix qui me disait que quelque chose clochait, sans savoir quoi? Aurais-je été jusqu’au bout de mes intuitions? Aurais-je eu le courage d’assumer mes positions et d’ainsi devenir un peu le mouton noir de la famille?

conclusion: prendre du recul pour mieux se rechercher

Je ne crois pas que j’aurais eu le recul nécessaire pour le faire, pas pour Mini Puce. Peut-être au deuxième enfant, mais prendre du recul, je m’en rends compte aujourd’hui, est nécessaire si on veut se trouver soi-même en tant que parent. S’éloigner des traditions, coutumes, habitudes, oui-dires, et adopter une approche introspective. Est-ce vraiment ce que je veux? Est-ce vraiment mon choix? Est-ce vraiment la bonne chose? Et surtout, rechercher, s’informer: on a la chance d’avoir accès à une source presqu’infinie de recherches, d’études, de livres, d’avis, d’opinions, de réflexions.

Maman Puce

Maman, grande soeur: vous me manquez. J’aurais aimé que vous soyez là pour tout voir. Ne vous inquiétez pas pour moi: je m’en sors bien, je me suis retrouvée dans tout ça. Je vous aime ❤